FAIRE FACE AU MAL ETRE EN MILIEU EDUCATIF
Le mal être à l’école et dans les espaces de vie collective : quelles formes ?
La qualité du climat scolaire au sein d’un établissement (école, collège, lycée) est déterminante pour le bien-être des élèves et des professionnels. Pour la mesurer, diverses enquêtes peuvent être élaborées afin d’évaluer les facteurs qui lui sont favorables, ou non.
Chez l’élève, certains signes doivent alerter : sautes d’humeur, angoisses, troubles alimentaires et du sommeil, relations sociales dégradées, apparition d’une forme d’irritabilité voire d’agressivité, isolement, mutisme, changements physiques, etc. Subjectif, ce mal-être peut aussi se concrétiser au travers de passages fréquents à l’infirmerie, d’une chute brutale des notes, de problème de comportement en cours, d’un absentéisme de plus en plus marqué voire d’un décrochage scolaire.
Chez les professionnels, la perception du climat scolaire est différente et varie selon leur statut : personnels de direction, enseignants, assistants d’éducation, personnels non enseignants ou agents d’entretien. Les notions de discipline, de respect, de reconnaissance de l’investissement… sont tout à fait personnelles mais peuvent parfois engendrer souffrance et mal-être.
A l’instar des établissements scolaires, ces situations de mal-être peuvent se retrouver dans les temps périscolaires et se manifester de la même manière. Isolement, repli sur soi, opposition systématique aux règles, rejet des activités proposées sont autant de signes d’alerte qui nécessitent une attention particulière lorsque cela devient récurrent.
Les adultes encadrants peuvent quant à eux montrer des signes de mal-être lorsqu’ils n’ont pas l’écoute suffisante dans une situation d’accompagnement difficile, lorsqu’ils sont face à des conflits avec les jeunes voire leurs parents, subissent de la défiance et des gestes violents régulièrement…
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Les pratiques restauratives en réponse au mal-être dans le milieu éducatif
Le repérage d’un mal être latent et non verbalisé peut survenir lors de la clarification d’une situation conflictuelle : souvent un acte répréhensible, en opposition aux règles institutionnelles. L’institution se doit d’apporter des réponses adaptées et durables tant aux élèves qu’aux adultes.
La qualité des échanges entre les élèves, l’équipe éducative et les parents permet d’évaluer au mieux ces situations de mal-être (ancré ou ponctuel) et d’amener une réflexion constructive, pour une prise en charge adaptée.
Les pratiques restauratives participent à la mise en mots des maux profonds. Sources d’échanges personnels, interpersonnels et collectifs, elles sont complémentaires de la prise en charge individuelle nécessitant parfois un suivi extérieur et sont utiles dans toutes les instances de vie collective où un climat serein est primordial au bien vivre ensemble.
Découvrez nos méthodes pour faire face au mal être :
Exemples et préconisations face au mal-être au collège et au lycée
Détaillons la situation de Maryse : mal-être dans la classe
Maryse est élève en classe de 4ème :
- Ses amies évoquent de l’inquiétude auprès de l’infirmière scolaire car Maryse se blesse régulièrement les avant-bras avec un compas, elle a des propos suicidaires et des idées noires.
- Maryse subit des violences verbales et se fait régulièrement insulter, sur les réseaux sociaux, par des élèves du collège.
- Elle est très isolée du reste de la classe.
- Elle explique qu’il y a des rumeurs sur elle, certains camarades ne veulent pas lui parler car ils la disent « dangereuse » et « possédée ».
- Maryse aimerait qu’on la considère « normale ».
« le cercle de parole » : la méthode restaurative pour Maryse
Maryse et ses parents ont rencontré, à plusieurs reprises, l’infirmière scolaire et l’équipe éducative du collège pour discuter de ce mal-être persistant. Un suivi psychologique a été préconisé et mis en place par la famille et Maryse.
En parallèle de cette prise en charge spécifique, un cercle de parole a été proposé à Maryse pour aborder son sentiment de solitude et de rejet au sein de la classe.
Un entretien préparatoire a été réalisé avec Maryse afin qu’elle se sente suffisamment en confiance pour évoquer ses émotions devant les élèves de sa classe.
Lors de ce rendez-vous préparatoire, Maryse a exprimé le souhait que ses camarades réalisent ce qu’ils lui font car elle en souffre et que les rumeurs et critiques cessent. Elle s’est dite prête à participer à ce temps d’échanges et à entendre tous les points de vue.
Lors du cercle de parole, il a été demandé à chaque élève d’expliquer comment ils se sentait dans la classe. Chacun a exprimé une ou plusieurs émotions précises en y ajoutant les raisons.
Les questions de synthèse ont permis de faire émerger les différents points de vue et éveiller les consciences sur le sentiment d’isolement de certains élèves et notamment celui de Maryse. Lors des échanges libres, diverses propositions ont été faites pour recréer une cohérence de groupe positive.
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les plus-values des Pratiques Restauratives pour Maryse et sa classe
Le cercle de parole a permis :
- A Maryse de parler librement et sincèrement de son mal-être.
- Aux élèves de réaliser ce que Maryse vivait au quotidien.
- Une prise de conscience, par l’ensemble de la classe, du rejet et de l’isolement de Maryse
- Maryse s’est dit étonnée des réactions positives de ses camarades de classe.
- Depuis, elle n’est plus seule en cours, durant la récréation et les travaux de groupe. Ses camarades lui parlent de manière plus douce et beaucoup moins méchante. Elle ne subit plus d’insultes et ne se sent plus jugée.
- Les parents de Maryse ont écrit au lycée pour remercier de l’aide apportée en se disant rassurés de retrouver leur fille mieux dans sa peau.
Examinons la situation d’Umberto et son enseignant : mal-être suite à un vol
Mr J. est enseignant en lycée. Umberto est un élève en classe de Première.
- Mr J. est dans sa dernière année d’enseignement. Il sera en retraite à la fin de cette année scolaire.
- Umberto ne met pas de sens au cours de Mr J., il a des difficultés à se concentrer.
- Lors d’un moment d’inattention de Mr J., Umberto vole les clefs dépassant de la sacoche de l’enseignant, posée sur le bureau.
- Paul, témoin de la scène, conseille à Umberto de rendre rapidement les clefs de Mr J. Umberto refuse et les jette dans la poubelle de la cour de récréation.
- Très embêté, Paul explique la situation (en demandant de garder l’anonymat) à un surveillant qui récupère les clefs et les rend à Mr J.
- Mr J. est très affecté qu’un élève puisse voler ses affaires personnelles. Cela ne lui est jamais arrivé durant sa carrière.
- Il dit avoir perdu confiance en Umberto, il est stressé en chaque début de cours où il est présent, il s’agace rapidement du non-investissement scolaire de son élève et en parle régulièrement à ses collègues.
- Mr J. envisage de porter plainte contre Umberto. Le CPE du lycée lui propose d’attendre avant d’entamer cette procédure et d’organiser une médiation avec Umberto.
« la médiation » : la méthode restaurative utilisée suite au mal-être de Mr J.
Le CPE du lycée prend contact avec les parents d’Umberto. Ces derniers se disent choqués du comportement de leur fils et souhaitent rencontrer Mr J. pour qu’Umberto lui présente ses excuses. Le CPE explique alors la mise en œuvre de la médiation et leur propose, s’ils le souhaitent, d’y participer. Ils acceptent.
Ce sont deux enseignants initiés aux pratiques restauratives qui organisent cette médiation. Ils organisent trois entretiens préliminaires : Mr J., Umberto et les parents d’Umberto. Chacune de ces 4 personnes accepte la médiation.
Dans un souci d’équité, et à la demande de Mr J., les médiateurs invitent un de ses collègues en guise de soutien.
Après avoir évoqué les faits, chacun des protagonistes a exprimé les conséquences, d’ordre personnel, suite à ce vol.
Mr J. a partagé son sentiment de trahison quant au vol d’un bien personnel, son collègue a évoqué un sentiment d’impuissance face au désarroi de Mr J., les parents d’Umberto se sont dit désolés et honteux quant au comportement de leur fils. Umberto, en entendant ces propos, a réalisé l’impact de son geste. Il s’est dit navré de cette situation : il n’avait pas réalisé le mal qu’il avait fait.
Après avoir spontanément présenté ses excuses à Mr J., Umberto a accepté la proposition de Mr J. : se responsabiliser davantage. Pour cela, un référent est désigné au sein de l’établissement pour rencontrer régulièrement Umberto et faire un bilan hebdomadaire avec ses parents.
Mr J. a décidé de ne pas porter plainte avec, comme seule condition, qu’Umberto ne réalise aucun autre délit au sein du lycée.
les plus-values des pratiques restauratives dans la situation d’Umberto et Mr J.
Cette médiation a permis :
- A Umberto de réaliser qu’un vol matériel peut créer un mal-être psychologique
- A Umberto de prendre conscience qu’un problème interpersonnel peut affecter des personnes annexes telles que ses parents ou d’autres enseignants.
- A Mr J. d’exprimer directement à l’auteur en quoi il a été touché personnellement
Les situations de mal-être et la médiation par les pairs
La médiation par les pairs concerne, par définition, les conflits mineurs. C’est pourquoi cette méthode n’est pas appropriée dans les situations de mal-être. Les élèves-médiateurs ne sont pas en mesure de pouvoir accompagner, même de manière restaurative, la souffrance de leurs pairs.
Même si ces élèves ont bénéficié d’un temps d’initiation renforcée à la médiation et que leurs compétences de non-jugement, d’écoute, de justesse, d’impartialité ont été reconnues, il est à craindre que le savoir-être d’empathie ne se transforme en sympathie. La distance nécessaire à la réussite de la médiation sera alors inexistante.
Des effets négatifs pourraient se faire ressentir tant chez les élèves reçus que chez les élèves médiateurs. Seuls des professionnels adultes peuvent accompagner ces situations de mal-être qui doivent être évaluées avant d’être prises en charge par le professionnel adapté (infirmière scolaire, psychologue, psychologue scolaire, médecin scolaire, éducateurs…).
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